Patois Neuchâtelois
Il faisait sarre-nuit; j'étais marre seul dans mon cagnard à
péclette; ça faisait un schnabre du diable à vous foutre la
déguille. Je commençais à avoir la greûlette. Ca y est que
je m'dis, c'est le mânou qu'est sorti de son cabeu et qui
veut m'ficher malheur. D'une voix toute gaglotante, je
criai: "Vous avez fini avec votre commerce, vous
m'donnez les étours". J'allais piquer une monture, quand
on m'répond: "C'est le facteur".
C'était juste. Je lus la lettre qu'on m'expédiait. Elle venait
des copains contemporains qui voulaient fêter le 1er Mars
avec moi. J'en ai assez de faire le tcharcot toute la sainte
journée que j'me dis, pas de chimagrée, fini mon calvaire.
Ma fi, j'avais meilleur temps de boussarder tout mon
amingage et de laisser pour un soir les cafignons dans la
cavette et d'y aller. J'expédiai mon poutzage car j'étais en
train de relaver la vaisselle. Je rangeai la cocasse et les
tasses à côté de la couleuse, je mis la poche à soupe dans
le porte-poches et je lançai enfin la patte à relaver dans le
lavoir. Avec la brosse et le crepiaule, je poutzai le schnit
que j'avais fait et je le jetai dans la caisse à balayures.
Encore un dernier coup de serpillière sur les carrons et
j'ai soufflé le quinquet. Y fallait s'bider si j'voulais pas me
laisser déboquer par les autres. On avait de la peine à la
dégrailler la turne où on devait se rencontrer, mais j'allais
faire une bonne riôle avec les Britchons.
Le menu que j'avais lu sur la lettre était extra. Au lieu de
gnaguis avec du sourièbe ou des kneufflets cuits à
l'étouffée dans le teuflet fin neuf avec des schnetzes et du
griess au sirop de framboise comme dessert, comme je
pensais qu'on aurait, y'avait une bonne fondue faite dans un
magnifique caquelon. C'était rapicolant avec une bonne
quouetche pour commencer.
Qué vous! On n'est pas des étouffes, ni des mistons, encore
moins des schnoilles chez les Britchons. On fait pas la
pote à tout l'monde, ni la meûle pour rien.
Je me souvenais des wigeitzes que j'avais faites dans mon
jeune âge, quand je fréquentais. On se r'mollait sur le
canapé, on donnait à sa bonne amie suivant la saison une
peufnée de gangans ou un bouquet d'olives. Après le
pousnion, on mangeait des pistaches et on suçait des
tablettes à la bise pour ne pas avoir le brûlant. On se
faisait des chatouillons à pousser des ciclées.
C'était des écrasées de rire à ne plus s'ravoir. Pis vers
minuit on s'rentrait, souvent par une grande fricasse à
travers d'immenses gonfles ou en cambant les gouilles sur
les trottoirs.
J'ai pas r'gretté d'être allé à c'te fête, il y avait des copains
qu'avaient des bletzes à leur culotte, des qu'avaient des
tacons; y en avait des qu'étaient fringués à la mode qu'on
aurait dit des gaguis.
J'ai été tout ermeudzi de voir un si beau programme. Il y
avait un dingue qui a bardjaqué tout l'soir sur la
République. Un autre gniagnou a passé des films, on a fait
une bonne virée dans l'bleu.
On reste tout vigousse après des rioules comme ça. On
attrape un peu les bleus, l'on peut presque plus
s'démacher. On pense en grognant dans son tire-jus à la
torrée de dare et de pives qu'on aurait pu faire à la pluie,
dont on a l'ennui, monté! Mais l'pire, c'est qu'en rentrant
dans mon pignon, j'ai trouvé tout en cannelle. Le kratz
voulant s'abéquer sur un tiroir écalambré avait fait tiesser
un tablard. La peuglise avait dingué su l'potager, mes
schlarques étaient dans la bauche à tourbe, une vieille
cagna rebedoulée dans les kerbes, les steckers et les
dazons sur le potager, Il m'a fallu tout r'poutzer.
Quand j'en ai eu marre, j'avais l'air d'une schlampe en
marie-graillon tellement j'étais pouêt à voir. Et pis encore,
eh pignouf, j'ai failli m'étiaffer le guinguelet en raminguant
mon tablard. Monté j'me suis dit après, allons au pieu pour
une bonne tauquée.
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